“Faim” de carême
Chassez le naturel, il revient au galop!
Le temps passe, les bonnes intentions s’effilochent. Et puis, après tout, c’est vrai quoi! Est-ce vraiment ce petit pavé de rumsteack avec son accompagnement de frites à volonté qui va m’éloigner du Seigneur? L’estomac noué et l’esprit embué semblent vous dire que la sainteté n’est pas pour demain!
Aussi pour retrouver l’ardeur des premiers jours, il nous faut mettre nos efforts en phase avec leur finalité. Or la finalité, selon l'Ecriture, c’est la vie éternelle. Et, avant d’atteindre cet objectif, le Christ nous rappelle la nécessité d'une légère préparation.
Oui mais, c'est comment la vie éternelle? Bonne question, parce qu’il n’y a rien de plus difficile que de poursuivre un objectif que nous n'arrivons pas à visualiser! Et, en l'occurrence, visualiser l’éternité, c’est pas facile! Pas de “best sellers” sur la question et peu d’homélies sur le sujet. Pourtant, la vie éternelle “est l’objet premier de notre foi et de notre espérance”1 affirme le théologien Bernard Sesbouë.
Cela mérite un petit temps d’arrêt! Parce que lorsque notre horizon de compréhension est dépassé, c’est l’imaginaire qui prend le dessus. Et cela devient parfois burlesque: Pour certains, l’éternité fait figure de réjouissances éternelles avec corne d’abondance en série et festivités à foison. C’est un peu une “Fiesta” non-stop qui donnerait à la communion des saints un petit côté… “ croisière s’amuse”.
Pour d’autres, plus tranquilles, l’éternité, c’est d’abord le REPOS éternel, celui qui troque l’excitation contre l’oisiveté, l'exaltation contre l'ataraxie. En bref, c’est un genre de balnéo céleste: « Zéro tracas, zéro combat ».
Dans tous les cas, nos conceptions fantaisistes font figure de récompenses célestes… Un genre de “carotte de bien-être” tendue au bout de nos bâtons de pèlerin. Après une vie de labeur, il y aurait comme une prime à l’effort, celle d’un Dieu qui aurait autant de chaleur humaine qu’une machine à sous dans un “jackpot” mécanique. On est loin d’une relation d’amour où l’homme participe à la vie divine dans sa plénitude.
Après ce genre de bacchanales christianisées, il arrive aussi que nous ayons l’imagination moins “guillerette”. Car l’éternité …cela paraît long, TRES long! Et la perspective de vivre toujours avec les mêmes personnes (soit votre patron, votre belle mère ou carrément le syndic de votre immeuble) ne vous réjouit pas tout à fait d’avance.
Voilà un joyeux méli-melo de visions fantasmagoriques qui s’éloignent dangereusement de La vision béatifique. Cela relève plus d’une légende de l’odyssée que du contenu du Credo.
“Il nous faut dépasser les représentations temporelles de l’éternité, ce qui est difficile parce qu’elles sont inévitables 2” renchérit Bernard Sesbouë.
Sainte Thérèse de Lisieux écrivait: « Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre ». La Bienheureuse mère Thérésa de Calcutta souhaitait « allumer la lumière de ceux qui sont dans les ténèbres sur la terre 3 ».
Alors, une chose est sûre! Au paradis, on aide encore et on aime surtout avec une intensité que l’on ne saurait décrire. “Nous sommes comme arrachés à nous-mêmes dans un bonheur qui nous dépasse.”4.
Un petit entraînement reste nécessaire, histoire de garder tenaillée au fond de ses entrailles cette faim tenace... celle de Dieu.
1 Bernard SESBOUË, CROIRE, Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du XXIeme siècle, Droguet & Ardant, p 530
2 ibid, p 533
3 Mère Thérèsa. Viens sois ma lumière, Les écrits intimes de la sainte de Calcutta, Lethielleux
4 Bernard SESBOUË, CROIRE, p 532