Je me souviens il y a quelques années: je travaillais dans une entreprise. Un service administratif composée de femmes plutôt jeunes et dans le vent. Chacune venait au travail tirée à quatre épingles, mais à regarder de plus près pourtant, on pouvait deviner les marques de fatigue, les nuits difficiles avec leurs jeunes enfants, les doubles journées si bien que l’anti-cernes était parfois résolument inutile. Naïve illusion ou triste chimère ( je le comprends maintenant ) que de vouloir gommer les traces de fatigue sous des fonds de teint un peu trop marqués.

Au cours d’une journée de bureau, les discussions allaient bon train au moment des pauses café. A l’ordre du jour, les sujets télévisés de la veille sur la chirurgie esthétique ou la Jet set... la pauvreté, les sujets éthiques ou la religion ne faisait pas bonne presse. « Envoyé spécial », « Capital » ou « Zone interdite » alimentaient des sentiments et des réflexions un peu préfabriqués sur des sujets immuables et présentés comme neutres et sensationnels mais surtout « inédits ». Les sujets sont pourtant classiques et bien rodés.

Bref… des comportements dans l’air du temps, des discussions-débats qui nourrissent les échanges humains à défaut d’approfondir réellement notre reflexion. C’était une routine, un doux rond-rond plaisant et agréable qui avait son charme. Durant les pauses café, seule une jeune femme avait un rituel un peu spécial ! Elle téléphonait à sa grand-mère qui était très âgée et vivait seule. Aussi Suzelle (c’était son nom) lui téléphonait elle chaque jour pour demander des nouvelles, la faire parler, rompre sa solitude, la rassurer.
La grand-mère étant un peu sourde, la communication n’avait rien de discret dans les bureaux. Les phrases étaient souvent répétées plusieurs fois, presque criées.

Cette conversation était complètement anachronique dans un contexte de travail.
Chaque mot était des plus basiques et la conversation en apparences pauvre voire désespérante.
A travers des phrases les plus simples possibles et cette fidélité sans faille, j’écoutais toute la tendresse d’une petite fille pour sa vieille grand-mère. Un plein d’affection sans pudeur ! Cette anecdote remonte à des années maintenant, c’était pour moi une découverte, une vraie leçon de fraîcheur et de vie vis-à-vis d’une autre génération.

La vie est bien surprenante, car quel que soit le contexte, il y a toujours des étincelles qui nous apprennent plus tard à savoir dépasser notre pudeur et savoir dire je t’aime.

Images du net

Un geste de tendresse